mercredi, juin 20, 2007

Avis



"Ce n'est pas le chemin qui est difficile, c'est le difficile qui est chemin"


C'est avec une tristesse profonde et non dissimulee que nous avons le chagrin de vous annoncer de maniere desolee et decontenancee le deces premature et neanmoins pas trop impromptu de

ZIRCON FLAMBOYANT
1987 - 2007
van, maison sur roues,
matricule UP6423

"Il etait ma maison, mon toit, j'avais meme une poubelle dedans"

Il aura parcouru avec bravoure les routes (probablement) les plus mauvaises du monde et s'est eteint ce 10 juin 2007 dans un dernier bruit bizarre

La ceremonie a deja eu lieu et vous l'avez manquee bande de ploucs.

jeudi, juin 07, 2007

L'entre-deux volcan, ou "Le Zircon a la ferme"



Avant, bien avant que les hommes ne posent le pied sur cette terre ecorchee, les dieux se fouvoyaient dans des histoires affectives qui changeraient a jamais le visage des deux iles.
Tongariro, mastodonte de pierre et de cendres, possedait la douce et belle Pihanga aux pentes lisses et affirmees - bien qu'au coeur brulant d'une lave incandescente. Le couple vivait en bonne compagnie avec Taranaki, jeune volcan aux formes parfaites et aux angles egaux. Mais le jeune Taranaki et la belle Pihanga se consummaient l'un l'autre d'une flamme secrete a l'insu du puissant Tongariro. Aussi, un jour ou les amants s'adonnaient a leurs ebats amoureux, le lunatique Tongariro les surprit et entra dans une colere noire. Cendres et rochers furent projetes bien au-dela de d'horizon; laves et boues, gaz mortels et eaux bouillantes se melangeairent dans une tourmente gargantuesque. Le message etait clair aux yeux de Taranaki: il n'avait plus sa place au centre de l'ile, sur ce plateau venteux mais verdoyant, parmi ses confreres volcans, aux cotes de la belle Pihanga.
Chasse par le colerique mastodonte, Taranaki n'a d'autre choix que de descendre vers l'Ouest a la recherche d'un endroit isole.
Les flancs aceres de ses jeunes rocs laissent sur son passage une longue et profonde cicatrice dans le sol meuble de l'ile. Les larmes de l'amant dechu emplissent la cicatrice d'eaux tourbillonnantes et eternelles.

Comme il pouvait s'y attendre, Taranaki arrive au bout du chemin, bloque par un ocean furieux qui ne semble pas non plus vouloir l'accueillir dans l'oubli de ses profondeurs. Alors, Taranaki s'arrete. Il consume son chagrin encore aujourd'hui au bord de cette mer, seul et isole, mais toujours a vue des deux amants legitimes et eternel, Tongariro et Pihanga.

Puis, les hommes sont arrives. Maoris, puis Pakehas, construirent des huttes sur les pentes des volcans.
Assis aux pieds de la belle Pihanga, qui aujourd'hui comme hier se cache sous un pudique mais lourd voile de nuages, je tente de rendre hommage a Taranaki, que je n'ai pas pris le temps de visiter. Mon plan etait de faire le tour des volcans, mais le col suivant, sur ma route, est devenu infranchissable. Vents et temperatures extremes me conseillent de rebrousser chemin, la queue entre les jambes. D'accord, mais pas avant d'avoir redige quelques lignes sur mes dernieres aventures.

Il y a a peine un mois, j'etais a l'endroit meme ou, bien longtemps auparavant, j'avais depose Santiago. La dormante ville de Picton serait mon dernier bastion de l'Ile du Sud.

Le gigantesque ferry avale pour quelques heures le Zircon et, rapidement, nous sommes en rade de Wellington, capitale culturelle de la Nouvelle Zelande.



La ville, comme prevu, est hyperactive: de jour comme de nuit, une multitude de jeunes et independants intellectuels de gauche, la trentaine, col roule noir et sac en bandouliere, se complaisent dans un tourbillon culturel. Wellington, c'est un "Cafe Belga" de plein air, avec ses joies comme ses vicissitudes.

Mais le Zircon n'aime pas les parkings payants. La route du nord nous ouvre les bras, et il est temps parce que les nuits deviennent plutot fraiches. Une fois de plus, le Zircon et moi decouvrons que ce pays prend toute sa valeur dans le coeur des Kiwis bien plus que dans ses paysages.



Par le plus grand des hasards, je suis accueilli a bras ouverts pour un souper et une nuit dans une des plus vastes fermes de l'Ile, et ai meme la chance d'experimenter, le lendemain, le traitement anti-mouches de plus de 3000 agneaux hebetes. Oui, la plaie du dioxyde de carbone a ses effets partout, et je comprends maintenant le sens du mot "global"dans global warming:
ce n'est pas naturel, en plein hiver, de devoir traiter des moutons contre des mouches d'ete... Mais c'est comme ca, y'a pus d'saisons nulle part!




De ci, une nuit dans un refuge oublie en pleine foret subtropicale, de la, un bain revigorant dans une mer demontee mais domptee par les surfers, la vie en Ile du Nord s'ecoule doucement.
Puis, l'envie me vient de marcher dans un des endroits les plus etonnants de la planete: Tongariro - ou, pour d'autres, le non-moins fameux Mordor, domine par Mt Doom et l'oeil machiavelique de Sauron.

Je remonte donc doucement et respectueusement la riviere Wanganui, cicatrice laissee par le passage de Taranaki lorsqu'il dut fuir Tongariro.

Tout au long de la riviere sacree, un melange etonnant de villages maoris et de colonies missionnaires s'ouvre timidement a moi. Les villages portent les noms d'Athenes, Corynthe et Jerusalem et sont un ecrin de syncretisme religieux et culturtel. Tout y est si calme, si serein que je ne serais pas etonne d'apprendre que le Christ se soit arrete a Jerusalem (comprenne qui pourra), un Christ guerrier aux fesses tatouees, une Vierge Marie Maorie.



Mais le Zircon et moi sommes plutot radins - tide arses - et choisissons d'attendre une semaine aux portes du Mordor, dans la petite bourgade de Ohakune, afin d'avoir acces aux refuges du Parc National pour moitie prix - fin de la saison touristique oblige.

Nous nous arretons donc pour une semaine de wwoofing dans une ferme equestre. Des le premier soir, je dechante: je suis accueilli avec des chicken nuggets (pour info, cf. www.macdonalds.com) et des frites, le ketchup faisant office de legumes. Je decouvre bien vite que ces gens ont soit oublie, soit n'ont jamais adopte les principes du wwoofing. Pour eux, j'etais sans doute un genre de main d'oeuvre bon marche.
Cependant, le soleil brille toute la semaine sur les volcans. Dans la distance, quelques 300 km a l'ouest, je peux apercevoir le parfait Mt Taranaki alors que je suis aux pieds de Tongariro.
Aujourd'hui, alors que j'ecris ces lignes, je suis dans le premier des trois refuges du parc et je m'apprete a faire demi-tour dans quelques heures: hier, les gardes du parc ont failli defaillir sur le col que je suis cense passer aujourd'hui. Bah. Pour les volcans, j'irai en Sicile!


Ainsi, petit a petit, le voyage touche a sa fin. La route du Nord me rapproche de plus en plus d'Auckland ou un avion m'attend. Les heures et minutes deviennes precieuses, en meme temps que mon esprit se surprend a divaguer vers mon plat pays, ses boulangeries et ses bieres.