mercredi, mai 02, 2007

Intriguantes beautes ecorchees



Christchurch m'ouvre a nouveau les bras pour ce qui sera ma derniere experience de l'Ile du Sud. L'automne s'affirme de plus en plus dans les tons orangeatres qui lui sont si chers. Les temperatures connaissent une chute vertigineuse, mais le pays devoile petit a petit ses charmes hivernaux: odeurs de feu de bois, meme en pleine ville, et feuilles mortes trempees; drache.

Il y a quelques semaines, je quittais Dunedin, le coeur gros de laisser derriere moi cette "maison du bonheur" et ses charmants habitants. Apres quelques hesitations propres aux ancetres, le Zircon se lance sur la route du Sud, pour une derniere embardee avant l'Ile du Nord. A nouveau, descendre la Cote Est signifie plages de galets et de sable fin, soleil, falaises et villages (pittoresques?).

La region des Catlins est une region oubliee des touristes, et meme des Kiwis. C'est une terre partagee entre ocean et collines, parsemee de patures pour moutons et de foret humide - qui n'a connu, pour la plupart, aucune modification par la main de l'homme. Par endroits, les arbres natifs rencontrent la plage, et l'on se croit alors dans Robinson Crusoe. Ailleurs, les prairies a moutons n'ont pour limite que le claquement des vagues sur les galets ondoyants, infatigables. Le temps est doux, mais au grisoyant, rappelant une Belgique d'octobre.



Voyager en van, tel un escargot avec sa maison sur le dos, a plus d'un atout. D'abord, c'est excitant: lorsqu'on se reveille le matin, l'on a aucune idee de l'endroit ou l'on passera la nuit suivante. Bonnes et moins bonnes surprisesa l'etalage, quoi qu'il arrive, l'experience est gratifiante. J'ai passe une de ces nuits dans un endroit des plus isoles: au milieu d'une pluvieuse et sombre foret, sur une de ces gravelroads, ou personne n'est passe sur les deux jours.

Le Zircon a passe des nuits dans tous les environnements possibles et imaginables: au beau milieu d'une megapole, ou perdu dans un parc national au milieu des perroquets, dans un cirque serre de montagnes argantuesques, ou encore au bord d'un wetland entoure d'oiseaux rares et sauvages. Chaque matin et chaque soir est vecu pleinement, pour la simple raison que, dans ce mode de vie, rien n'est acquis, et rien n'est redondant. Parce qu'un simple changement de temperature change toute la donne dans, par exemple, la maniere de cuisiner, l'heure de coucher,... C'est quelque chose que l'on oublie de vivre lorsque l'on vit entre quatre murs immobiles. Et chaque reveil est une surprise, le plus souvent un emerveillement.


Le plus souvent, mais pas toujours. Un soir, je plante la tente sur une de ces plages ou les vagues vinnent lecher les troncs d'arbres. Tout en cuisinant sur un feu de bois, j'admirais les planctons dansant dans les vagues en refletant la lumiere de la pleine lune. Le jour suivant, alors que je petit dejeunais sur le pas de ma tente, une dame me harangue et me fait savoir que je ne suis pas le bienvenu ici, que je ferais mieux de faire ce genre de choses dans mon pays... Oui, il y a des gens qui s'imaginent que passer une nuit en tente sur une plage est plus destructeur pour un pays que de de passer cette nuit dans un hotel construit sur la plage suivante - sur laquelle les arbres ne poussent plus parce que l'on y pietine leurs racines.

Heureusement, il existe d'autres matins ou j'observe les plus magiques levers de soleil, du haut d'une falaise, reveille par le chant (?) des phoques cent metres en contrebas. Jamais un cafe n'a le meme gout que lorsqu'il est savoure avec une telle vue.


A la sortie des Catlins, apres avoir traverse un long plat pays plein de vaches et de petits canaux (si si je vous jure), Invercargill m'attend. La ville la moins touristique de Nouvelle Zelande ("The asshole of the world", disent eux-meme les Kiwis) se trouve etre presque morte puisque j'y atterris le vendredi saint. Autant vous le dire, le vendredi Saint, TOUT est ferme. RIEN ne bouge. Je suis comme dans une ville morte. A l'extreme sud de la Nouvelle Zelande, a deux pas de l'Antarctique. Le secret? Ils sont tous aux courses hyppiques... et moi avec.

Bien vite, je suis rejoint par Aletta (voir archives), desormais celebre et auteure du logo des reputes Kiwi Campervan, concurrents du Zircon, qui sillonnent le pays. Notre mission (au Zircon et a moi) est de la ramener dans le nord via la dangereuse et isolee route de la Cote Ouest.

L'Ile du Sud de la Nouvelle Zelande est assez particuliere: c'est comme un grand plateau mais avec une chaine de montagnes qui s'etend au milieu du nord au sud, en longue et etreoite bande, un peu comme les Appenins en Italie. Cette chaine divise l'ile en deux parties, d'une certaine maniere, que les gens ici appellent Cote Est et Cote Ouest... La distinction est importante puisque les paysages et formations geologiques changent dramatiquement d'un cote a l'autre: l'Est est plutot sec et plat, tandis que l'Ouest est abrupt, pluvieux, plein de mouches qui piquent... L'ouest est tellement inaccueillant qu'en realite tres peu de gens y habitent et, par consequent, personne n'a coupe les arbres, ce qui en fait une reserve sauvage magnifique, inchangee depuis des millenaires... Une terre rude (cf. infra illustration didactique).


Ainsi donc nous dirigeons-nous vers la Cote Ouest. Mon premier objectif etait de revoir les manifestations dramatiques e la nature dans toute son indomptabilite dans les fjords, mais cette fois-ci, si possible, sans pluie (voir archives). Croyez-le ou non, a notre surprise, le Milford Sound brillait sous un soleil eclatant, ce jour-la. Une fois de plus, dans une atmosphere totalement differente, je suis temoin de ces montagnes qui prennent racine directement dans l'ocean. Des sommets a plus de 1600 metres se refletent dans l'eau calme. Aucune photo ne peut rendre la majeste de cet endroit.




Puis, la route nous invite un peu plus vers le nord, toujours en suivant la Cote Ouest. Des levers de soleil sur lacs endormis precedent des apres-midis venteuses et pluvieuses et des nuits ou meme le Zircon ne peut plus nous proteger de ces draches diluviennes. Puis rebelote, au petit dejeuner, le soleil brille. Terre inconstante et indecise, dont l'homme est le cadet des soucis...

Glaciers enfouis au milieu de forets subtropicales, embruns d'ocean atteignant les montagnes, petites Antarctiques sous ciel bleu, petites tropiques sous tempete, tout se melange sans pour autant sembler incoherent.


Deja, il est temps de regagner la Cote Est et sa Christchurch. Un dernier col, et l'on retrouve des paysages desormais familiers, moutons et platteland.

C'est l'occasion de se lancer dans une vie citadine a nouveau, quelque activite un peu artistique, avant de replonger dans la sauvagerie du voyage solitaire.